Petit manuel sur le trouble comportemental

en milieu scolaire  spécialisé

                                                           par François ÉMOND, psychologue
                                                                        Centre François-Michelle

                                                                                  Province du Québec




Quand la situation se corse...

A moins d’être un pervers qui s'ignore, il est rare que l’on recherche de façon intentionnelle les conflits juste pour le plaisir de se fâcher et d'imposer ses règles de conduite aux autres.

Il arrive cependant des situations scolaires dans lesquelles la confrontation semble inévitable et incontournable. Que faire lorsqu’un élève dans la classe persiste à s'opposer de façon systématique à toutes vos demandes, vous injurie avec les pires insanités, vous menace de tous les maux, vous fait du tapage dans le but évident de vous ulcérer et vous refuse toute autorité sur sa conduite?

Vous avez évidemment pensé à l'ignorance intentionnelle, mais quand l'émeute vous côtoie, il est difficile de reprendre sa respiration en pensant à ses vacances passées au bord de mer.

Que faire alors ? Ça fait au moins dix fois que vous lui dites sur tous les tons de s’asseoir et de se remettre à l'activité en cours et le résultat de vos interventions est d’une nullité complète. Pire, plus vous intervenez, plus il s'oppose et vous provoque. Que faire alors? Vous le ramenez à sa place par le contrôle physique. Aussitôt assis, il vous injurie, se relève et retourne où il était initialement et refuse toutes vos demandes.
 

Qu'allez-vous faire?

 1) Par le contrôle physique, je le ramène à sa place et je lui impose la position assise. S'il se relève, je l'assois tant et aussi longtemps qu'il se relève. Je me dis qu'il va bien finir par comprendre que c’est moi qui décide ce qui se passe dans ma classe et non lui.

 2) Je fais une colère terrible dans laquelle je crie plus fort que l’élève et je réponds à ses menaces par mes propres menaces dans le but de lui montrer que c’est moi qui ai le contrôle du groupe.

3) J’éclate en sanglots, je demande à être remplacé et je prends une semaine de maladie pour réfléchir à mon avenir dans l’enseignement.

4) je demande l’aide d’une tierce personne non impliquée émotivement dans l'escalade de la crise pour prendre en charge l'élève et ainsi diminuer l'état de tension au sein de mon groupe.

5) Je me dis, "Mais qu'est-ce que je fous ici !?" et je remets ma démission illico.

 6) A suivre...


Qu'est-ce qu'un trouble comportemental en milieu scolaire spécialisé  ?

Spontanément, le portrait qui nous vient à l'esprit, lorsqu'on pense à un élève qui a un trouble comportemental, est celui d'un enfant ou d'un adolescent qui ne suit pas les consignes, ne respecte pas les règlements, qui est opposant, perturbateur, impoli et souvent impliqué dans des conflits avec ses pairs.

Mais en y réfléchissant un peu, on se rend compte que ce portrait n'englobe qu'une partie de l'ensemble des troubles comportementaux que nous sommes en mesure d’observer dans notre pratique quotidienne.

Ainsi pour les besoins de ce texte et pour bien nous comprendre, nous allons décrire le trouble comportemental comme étant la manifestation d’un ou de plusieurs comportements qui entraînent des difficultés d’adaptation de l’élève dans son milieu scolaire.

Pour simplifier une chose bien compliquée, nous allons inclure dans cette définition plusieurs catégories fréquemment utilisées dans les écrits: troubles de la conduite, troubles du comportement, hyperactivité, troubles affectifs, troubles de l'humeur, troubles névrotiques, troubles émotifs, troubles de la personnalité, troubles socio-affectifs, troubles relationnels, traits psychotiques, etc.

 Par ailleurs, c'est souvent le contexte, la fréquence, la durée et l'intensité d'un comportement qui nous aident à déterminer l'existence d'un trouble comportemental. Par exemple, crier dans la cour de récréation est approprié, mais ceci l’est beaucoup moins dans une salle de classe durant une activité scolaire où le calme est de rigueur. On peut aussi dire que crier une seule fois dans la classe n'est pas nécessairement un signe que l'élève a un trouble comportemental. Par contre, si l'élève crie régulièrement de façon compulsive avec une intensité telle qu'on ne s'entend plus dans la classe lorsqu'on s'adresse aux autres, il devient évident qu'il y a un problème.

 C'est aussi l'excès ou l’insuffisance de la fréquence d'un comportement qui sert à déterminer l'existence d'un trouble comportemental. Ne jamais se défendre est un problème, tout comme la tendance à agresser tout le monde. Ne jamais rire est un problème tout comme le fait de rire de tout et de rien. Ne jamais dire un mot est un problème tout comme le fait de ne pas être capable de s'arrêter de parler, etc.

L'élève qui a un mal de tête en entrant un matin dans la classe n'a pas nécessairement un problème. Mais si le même élève a régulièrement mal à la tête a chaque fois qu'il doit se rendre l'école et jamais la fin de semaine, on peut commencer à penser qu'il a un problème de somatisation relié au stress scolaire.

On peut aussi classer dans les troubles comportementaux scolaires toutes les manifestations comportementales qui s'écartent de l'usage courant, tous les comportements étranges, bizarres, extravagants et insolites. Nous avons tous nos petites manies, mais quand un élève répète la même phrase jour après jour ou qu'il dessine à répétition toujours le même dessin aussi fidèlement que le fait un photocopieur, nous pouvons penser que nous avons affaire à un problème. Nous sommes tous également plus ou moins inquiets de notre avenir, mais lorsque cet état d’insécurité nous pousse à questionner notre entourage sans cesse sur ce qui va se passer dans les cinq prochaines minutes, on peut penser que nous avons affaire à un problème d'anxiété pathologique.

En résumé, tout élève qui manifeste des comportements scolaires s'écartant de la norme socialement acceptable et qui occasionne des difficultés d'adaptation à ceux qui l’entourent ou à lui-même de façon persistante, peut être considéré comme ayant un trouble comportemental.

Comment évaluer le trouble comportemental en milieu scolaire spécialisé ?

Il n’existe pas encore de thermomètre ou d’appareil électronique pour évaluer de façon objective l’existence d'un trouble comportemental. Il faut, hélas, se fier au jugement subjectif des intervenants spécialisés dans ce domaine.

C’est donc à partir des observations et de la connaissance que nous avons de l’élève que nous pouvons déterminer la nature et la gravité d’un trouble comportemental. Les outils les plus fréquemment utilisés sont les grilles d’observation systématique ou des questionnaires qui font appel à la connaissance que nous avons acquise de l’élève.

Plusieurs écoles, organismes et intervenants ont développé leur propre outil d’évaluation. Il n'existe pas d'outil standardisé et universel pour déterminer avec précision la nature des troubles comportementaux. Le meilleur outil est probablement celui qu'on juge personnellement comme étant le meilleur ou celui qui nous semble le mieux adapté à la clientèle de l’institution. Le problème qu'on rencontre souvent est qu’un tel outil est bien adapté à tel type d'élève fréquentant une polyvalente, mais mal adapté à la clientèle d'un centre d'accueil. Souvent aussi, l'outil s'adresse à une clientèle d’élèves du régulier et n’est pas adapté à des élèves d’une classe à effectif réduit dans un centre spécialisé desservant une clientèle spécifique.

Il est aussi évident que les troubles comportementaux occasionnés par un environnement social malsain ne sont pas nécessairement les mêmes que ceux occasionnés par des déficits cérébraux, congénitaux et permanents.

Dans les pages suivantes, on trouvera un exemple d'outil d'évaluation des difficultés comportementales sous forme de questionnaire. Il comprend 30 caractéristiques susceptibles d’être rencontrées chez les élèves qui ont des troubles comportementaux. Une fois le questionnaire complété avec l’aide de l'enseignant principal, on peut décrire avec assez de précision les forces et les faiblesses comportementales de l’élève évalué.

INVENTAIRE DES TROUBLES COMPORTEMENTAUX  EN MILIEU SCOLAIRE par François Émond, M.Ps. (août 1993)

 Nom de l’élève : 

Son âge : 

Son niveau scolaire en français :                            en mathématiques : 

Date de l’évaluation : 

Nom de l’enseignant consulté :

1 = JAMAIS : N’a pas de problème à ce niveau, c’est une force. 

2 = A L’OCCASION : Ça lui arrive, mais cela n’affecte pas beaucoup son adaptation. 

3 = TRÈS SOUVENT : C’est une de ses faiblesses et cela exige de fréquentes interventions

CONSIGNES POUR COMPLÉTER LE QUESTIONNAIRE 

Ce document doit être complété avec l'aide d'une personne qui a pu observer l’élève durant au moins trois semaines et ce, dans la majorité des activités quotidiennes à l’intérieur de l’école. 

En plus d’encercler le chiffre dans la colonne de droite qui décrit le mieux le fonctionnement de l’élève on peut souligner les mots dans le texte qui décrivent le mieux son comportement. 

On peut aussi ajouter des notes afin de mieux préciser la spécificité du comportement observé 
 

Liste des 30 caractéristiques évaluées

Force               Faiblesse

1- AUTONOMIE AU TRAVAIL 

A de la difficulté à travailler seul, il a besoin de soutien soit pour commencer, continuer ou terminer son travail

1

2

3

2- DIFFICULTÉ A SOUTENIR L'ATTENTION 

A de la difficulté rester attentif, il est souvent distrait ou dans la lune.

1

2

3

3. MANQUE DE MOTIVATION AUX APPRENTISSAGES 

Ne semble pu intéressé aux activités proposées, il ne fait pas d'effort, il abandonne rapidement.

1

2

3

4. IMPULSIVITÉ ET INSTABILITÉ 

A tendance à agir sans prendre le temps de réfléchir, il change d'idée souvent et rapidement et son humeur est fluctuante.

1

2

3

5- RÉACTIONS ÉMOTIVES EXCESSIVES 

A des réactions émotives disproportionnées, il rit ou il pleure de façon exagérée et souvent sans motif réel

1

2

3

6. DIFFICULTÉ A SE SÉPARER DE L'ADULTE 

Est souvent près de l'adulte en classe et dans la cour de récréation, préfère la présence de l’adulte a celle des pairs

1

2

3

7- SOMATISATION 

Traduit sa nervosité et l'évitement de la situation stressante par des maux physiques tels que: douleur au ventre, à la tête, nausées, fatigue, étourdissement, fièvre ou envie compulsive d'aller à la toilette.

1

2

3

8- INHIBITION SOCIO-AFFECTIVE: 

A de la difficulté à s’affirmer, à exprimer ses besoins et ses goûts, à prendre sa place. Il passe souvent inaperçu. Il socialise peu en raison d'un manque d'assurance, d'une peur des autres ou tout simplement par manque d’intérêt pour autrui

1

2

3

9. OPPOSITION AUX CONSIGNES 

Est opposant avec l'adulte, il refuse, il argumente, il réplique, il résiste, il fait semblant de ne pas comprendre.

1

2

3

10. INTOLÉRANCE À LA FRUSTRATION 

A de la difficulté à accepter le délai. Il faut qu’il obtienne immédiatement ce qu'il veut, sinon il se fâche, boude ou fait des gestes de colère et d’agressivité.

1

2

3

11- FAIBLE ESTIME DE SOI 

Exprime de différentes façons qu’il n’est pas bon ou qu'il ne se sent pas bon ou qu'il n'est pas capable. Il a tendance à se dévaloriser.

1

2

3

12- REJETÉ OU BOUC ÉMISSAIRE 

A cause de ses gestes, de ses attitudes ou de ses paroles, il a tendance à subir ou à attirer le rejet.

1

2

3

13- BOUFFONNERIES EXCESSIVES 

Aime attirer l'attention de façon inadéquate et dans d" situations inopportunes. Il fait du cabotinage, des pitreries, il agace, il taquine, il se moque, il fait le clown.

1

2

3

14 HYPERACTIVITÉ VERBALE 

A tendance à être impulsif sur le plan verbal. On doit lui répéter souvent de se taire ou d’attendre son tour pour parler.

1

2

3

15. HYPERACTIVITÉ MOTRICE 

A tendance à être impulsif sur le plan moteur. On doit lui répéter souvent de ne pas bouger ou de rester là où il est, ou de retourner à sa place. Ne pas bouger semble très difficile, voire impossible, pour l’élève.

1

2

3

16- AGRESSIVITÉ PHYSIQUE 

L'élève est agressif physiquement, il lui arrive de pousser. de tirer, de frapper, de pincer, de serrer, de griffer, de mordre, de gifler, etc.

1

2

3

17- AGRESSIVITÉ VERBALE 

L’élève est agressif dans ses propos, il menace, injurie et se moque.

1

2

3

18- AGRESSIVITÉ SUR LE MATÉRIEL 

Défoule on agressivité sur la matériel, lance, déchire, frappe, salit, jette des choses par terre.

1

2

3

19- AUTOMUTILATION 

Manifeste sa frustration ou son agressivité sur lui-même en se frappant, en se mordant, en se griffant, en se giflant ou par des gestes dangereux pour lui

1

2

3

20. AGIR SEXUEL INAPPROPRIÉ 

Manifeste par ses gestes ou ses paroles un intérêt exagéré ou inacceptable sur le plan sexuel sur lui-même ou sur les autres.

1

2

3

21- GESTES STÉRÉOTYPES, TICS, MANIÉRISMES 

Présente des tics nerveux, des manies, de l'écholalie, des rituels ou gestes bizarres

1

2

3

22. FABULATION, INCOHÉRENCE DU DISCOURS 

Dit et répète souvent des paroles bizarres qui sont hors contexte ou raconte des histoires invraisemblables; son discours est difficile à suivre, il y a confusion entre son imagination et la réalité. Il peut se prendre pour un autre ou donner une fausse identité aux autres.

1

2

3

23. FIXATIONS/OBSESSIONS/COMPULSIONS 

A un intérêt exagéré pour certains objets. Il a des idées fixes sur lesquelles il revient fréquemment. Il ne peut s'empêcher de penser, de dire, de toucher ou de collectionner certaines choses.

1

2

3

24- FANTASMES ET IDÉES MORBIDES 

A des pensées violentes, sadiques, destructrices, de cruauté orientée vers lui, vers les autres ou vers des objets. Il verbalise qu’il va tout casser, qu'il va tuer ou se tuer, qu‘il va torturer ses pairs, etc.

1

2

3

25- ABSENCE DE CONTACT VISUEL ET RELATIONNEL 

Il évite de regarder celui qui tente de communiquer avec lui et il ne porte pas d’intérêt pour la socialisation.

1

2

3

26. ANXIÉTÉ/ INQUIÉTUDES EXCESSIVES 

A tendance à exprimer de façon répétitive la même inquiétude ; il se préoccupe de façon exagérée des événements à venir.

1

2

3

27- PHOBIES/PEURS EXCESSIVES 

Manifeste des craintes démesurées pour certaines choses et cela lui occasionne un stress qui le perturbe et le paralyse. Peur da chiens, du tonnerre, des ballon, du vide, de l'eau, des avions, etc.

1

2

3

28- HALLUCINATIONS ET DÉLIRES 

A l’impression et est même certain de voir des choses ou d'entendre de sons ou des voix que lui seul est en mesure de constater. Il voit ou entend une personne ou des choses qui lui dictent ses propres gestes et paroles. Les hallucinations sont souvent accompagnées de délire verbal tout aussi irréel.

1

2

3

29- PARANOÏA, MÉFIANCE, PERSÉCUTION 

A vraiment l'impression qu'on lui en veut, il se méfie de tous, il s'imagine que certaines personnes préparent des complots pour lui faire du tort. Il se complique la vie pour éviter des pièges irréels.

1

2

3

30. CLEPTOMANIE 

Ne peut s’empêcher de prendre des objets ne lui appartenant pas et ce même s’il n’en a pas besoin et même s’il peut les payer facilement.

1

2

3

 


 

 L'ÉLÈVE HYPERACTIF
 
L’hyperactivité est probablement le syndrome qui occasionne le plus de troubles comportementaux en milieu scolaire ét il est sûrement le plus connu. Les trois principales caractéristiques de l’élève hyperactif sont les suivantes : inattention, impulsivité et hyperactivité motrice d verbale.

 De façon plus précise, l'élève hyperactif présente les signes suivants:

  1. Il a tendance à ne pas terminer ce qu'il commence.
  2. Il est souvent distrait.
  3. Il n'a pas l'air d'écouter.
  4. Il manque de constance
  5. Il agit trop vite et sans réfléchir.
  6. Il est instable.
  7. Il a de la difficulté à accepter les règles en vigueur.
  8. Il s'oppose fréquemment aux consignes.
  9. Il change d'idée ou d’activité très souvent.
  10. Il a de la difficulté à accepter le délai.
  11. Ses réactions émotives sont brusques et changeantes.
  12. Il manifeste des comportements agressifs.
  13. Il a de la difficulté à rester en place.
  14. Il a tendance à parler plus souvent qu'à son tour.
  15. Il a tendance à bâcler ses travaux pour s'en débarrasser.

C’est en fait le prototype contraire de l’élève modèle qui est sage, obéissant, docile, tranquille, collaborant, motivé, attentif et poli.

Il est rare qu’un élève présente toutes ces caractéristiques à la fois. L’intensité, la fréquence et la gravité des symptômes varient d'un élève à l'autre. C'est pour cette raison qu'il est difficile de généraliser lorsqu'on parle d'un élève qui présente du signes d'hyperactivité. Chaque élève da hyperactif l’est à sa propre manière. Chaque cas est unique et demande des interventions individualisées.
 

 L'ÉLÈVE INHIBÉ

  1. C'est le genre d'élève qui passe trop inaperçu.
  2. Il est trop calme
  3. Il ne s'exprime pas assez
  4. Il ne bouge pas assez
  5. Il est trop amorphe
  6. il est trop lent
  7. Il ne prend pas assez d'initiative
  8. Il se fait manipuler et influencer trop facilement
  9. C'est l'élève solitaire, timide, renfermé qui évite la controverse et préfère souffrir d'une situation de façon discrète plutôt que d'exprimer ouvertement sa frustration ou son mécontentement.
  10. C'est l’élève qui préfère, de façon exagérée, la solitude aux rassemblements et activités de grands groupes.Il est souvent trop craintif face aux nouvelles situations.
  11. Il est hypersensible, un rien le fait pleurer, lui fait peur ou le bouleverse.
  12. La séparation d'avec les parents est difficile et il préfère souvent le contact avec l'adulte plutôt que de socialiser avec les pairs.

Tout comme l'hyperactif, il est plutôt rare qu'un élève inhibé présent toutes ces caractéristiques à la fois. L'intensité, la fréquence et la gravité de chacune des caractéristiques varient d'un élève à l'autre.
 
 

L'ÉLÈVE QUI PRÉSENTE DES TRAITS PSYCHOTIQUES
 
L'élève qui présente des traits psychotiques manifeste un contact avec la réalité altéré, une communication dysfonctionnelle et a un ou des comportements qui s'écartent de l'usage courant.

De façon plus précise, l'élève qui présente des traits psychotiques a tendance à manifester de façon persistante une ou plusieurs des caractéristiques suivantes :

L’élève ne semble pas réagir émotivement comme les autres, il est. souvent seul et ne présente pas d’intérêt pour la socialisation.

Lorsqu'il socialise, c’est souvent de façon inappropriée. Il a des tics nerveux, des manies, des gestes stéréotypés, des rituels et de l’écholalie.

Il ne parle pas ou très peu, il raconte des choses bizarres, son discours est parfois ou souvent hors contexte. Ses réponses n'ont pas de lien direct avec nos questions.

L'élève a aussi des idées fixes sur certains thèmes qui s’expriment par des obsessions ou des gestes compulsifs.

L'élève a aussi parfois des idées morbides ou des inquiétudes exagérées qui lui font vivre de l'anxiété. Le contact visuel est difficile, absent ou fuyant.

L’élève peut aussi manifester des phobies, de la paranoïa et des hallucinations. L’élève peut se sentir persécuté de façon non fondée, il entend des voix qui lui dictent ce qu'il doit faire et il peut prêter vie à un objet inanimé ou communiquer verbalement avec un personnage imaginaire.

Évidemment et encore une fois, est-il utile de le préciser, il est très rare qu'un élève présente toutes ces caractéristiques à la fois. C’est principalement pour cette raison qu'on dit de l’élève qu'il présente des traits psychotiques et non qu’il est psychotique. Par ailleurs, l’élève qui a des traits psychotiques peut par exemple présenter seulement deux des caractéristiques nommées précédemment et en être affecté plus gravement dans son fonctionnement quotidien qu’un autre élève qui pourrait en présenter plusieurs mais à un faible niveau.

Il y a donc plusieurs façons de présenter des troubles de nature psychotique et il est donc très difficile de généraliser dans ce domaine et d’affirmer qu’un tel est psychotique et qu'un autre ne l'est pas
 
 

PRÉCISIONS SUR DEUX TYPES DE PSYCHOSE INFANTILE :
L'AUTISME ET LA SCHIZOPHRÉNIE
 
Dans bien des cas, on se contente de dire qu'un élève a des traits psychotiques sans aller plus loin dans l’évaluation. Il y a cependant des particularités qui distinguent deux types d'élèves à traits psychotiques.
Certains présentent des traits autistiques et d'autres des traits de nature schizophrénique.

 PRINCIPALES DIFFÉRENCES

  1. L’élève qui présente une tendance à l'autisme a manifesté des symptômes habituellement avant l’âge de 30 mois. Celui qui présente des traits schizophréniques a eu ses premiers symptômes après l’âge de 30 mois.
  2. Autre différence importante, l'élève a tendance autistique ne parle pas ou très peu. L'élève n'utilise que quelques sons, syllabes ou mots pour s'exprimer et non pour communiquer. Par contre, l’élève a traits schizophréniques peut parler beaucoup, mais il a tendance à fabuler, son discours est souvent incohérent, ses histoires sont invraisemblables et irréalistes.
  3. L'élève à tendance autistique ne semble pas avoir d’identité tandis que l’élève schizophrénique présente une identité confuse, il se prend pour une autre personne ou attribue aux autres des identités fictives.
  4. L'élève à tendance autistique ne présente pas d’intérêt pour la socialisation, il n'en ressent pas le besoin. Par contre, celui à traits schizophréniques fait des tentatives de socialisation, mais la plupart du temps, elles sont tellement dysfonctionnelles qu'elles suscitent le rejet ou la peur chez les autres. Par exemple, il regarde les autres de trop prés en leur faisant des grimaces ou il ne peut s’empêcher de toucher aux autres de façon compulsive. Ses toucher sont teintés de tendresse extrême ou d’agressivité imprévisible et sans motif.
  5. Chez l'élève à traits autistiques, il n'y a pas ou presque pas de contact visuel. L’élève à traits schizophréniques peut avoir un contact visuel, mais la plupart du temps, il est étrange et suscite la curiosité ou la peur chez les autres.
  6. L'élève à traits autistiques ne semble pas présenter d’hallucination. Par contre, l'élève à traits schizophrénique entend souvent dans sa tête une ou des voix qui lui dictent ce qu'il doit faire ou lui tiennent compagnie. Il lui arrive aussi de s'adresser à voix haute à un personnage imaginaire ou de faire parler le personnage imaginaire par l’intermédiaire de sa voix. Il peut également faire dialoguer ensemble les personnages.

 

PRINCIPALES RESSEMBLANCES

  1. Ils présentent de l'écholalie et peuvent avoir une intonation anormale de la voix.
  2. Dans certains cas, ils présentent des talents extrêmes dans quelques domaines: mémoire phénoménale, mathématiques, dessin, intuition, lecture dans les pensées d'autrui, estimation, etc.
  3. Ils sont hypersensibles ou au contraire insensibles aux bruits, à la lumière, à la douleur, etc.
  4. Ils manquent de discernement face aux dangers d'où l'inquiétude des parents ou enseignants.
  5. Ils manifestent des tics nerveux, des manies, des rituels, des gestes stéréotypés ou répétitifs.
  6. Ils ont une fascination anormale pour certains objets ou activités.
  7. Ils présentent une grande anxiété pour tout changement dans la routine.
  8. Leurs comportements sont souvent bizarres et inappropriés à la situation. Ils vont boire de l'eau sale, manger des choses inhabituelles, se déshabiller complètement dans un endroit publie, se cacher en dessous d'une table ou d'un fauteuil, ils vont chanter à tue tête lorsque les autres sont en silence, etc.

Pour conclure au sujet des élèves qui ont des traits psychotiques, disons qu'il n'y a pas en ce moment de moyen objectif pour évaluer la nature, l’intensité, la gravite du problème. Encore une fois, il faut se fier au jugement subjectif du ou des spécialistes qui travaillent avec ce type d'élèves.

C’est principalement pour cette raison qu'il existe autant de controverses sur la façon d'évaluer ce type de problème. Certains spécialistes ou parents refusent d'envisager le fait qu'un élève présente des traits psychotiques et ce, même s’ils sont confrontés à l'évidence extrême. D'autres, par contre, s’inquiètent outre mesure devant un élève qui a moindrement une imagination fertile ou une petite excentricité dans la conduite.
 
 

LES CAUSES DU TROUBLE COMPORTEMENTAL
 
Maintenant que nous avons bien défini ce que nous entendons par " troubles comportementaux ", il serait peut-être temps de se pencher sur les causes de ces derniers.

Les causes... Et bien mon Dieu, quelle question ! Elles sont multiples et nous ne sommes jamais certains de l'importance de chacune d'elles dans la détermination du trouble de l'élève.

On parle souvent ces temps-ci d’une immaturité ou d'un dysfonctionnement neurologique. Le trouble de l'enfant serait surtout dû à un malfonctionnement neurologique. Certains circuits nerveux du cerveau se développeraient plus lentement ou se développeraient de façon anormale. Mais une fois que nous avons dit ça, sommes-nous plus avancés?

Oui, car d'une certaine manière, cette façon de penser a contribué à enlever un poids énorme de culpabilité et de remise en question des parents qui, à tort, ont été accusés dans le passé d’être responsables directement du fonctionnement de leur enfant. Il n'y a pas si longtemps, plusieurs spécialistes avaient tendance à penser que l'état de l'enfant était principalement dû à la relation qu’avait eu la mère et le père avec ce dernier.

On peut se demander maintenant pourquoi l'enfant a un retard ou un dysfonctionnement neurologique. Plusieurs facteurs peuvent influencer le développement neurologique d'un individu.

 Il y a d'abord l'hérédité. Tout individu a reçu une partie du code génétique du père et une partie du code de la mère. Dans chacun de ces deux codes, il y a toutes les belles qualités de ses ancêtres, mais aussi toutes les difficultés de l'humanité. Et comme on ne choisit pas son propre code génétique, il est facile d’imaginer qu'il y a une part de chance ou de fatalité dans la façon dont est déterminé le cerveau qu'aura notre individu.

Mais même si nous héritons d'un cerveau " bien en santé " sur le plan génétique, il se peut que, durant la grossesse, notre mère ait subi des stress énormes, qu'elle ait eu une mauvaise alimentation, elle peut avoir consommé des drogues ou mené une vie " pas très catholique". Ainsi durant la grossesse, le cerveau de l'individu ne s'est peut-être pas formé dans le contexte idéal de développement.

Au moment critique de la naissance, il se peut que l’accouchement soit difficile et que le nouveau-né manque d'oxygène suffisamment longtemps pour affecter de façon irréversible le fonctionnement neurologique de certaines parties du cerveau.

Après la naissance, nous ne somma pas nécessairement à l'abri de tout facteur qui pourrait influencer négativement le développement de notre cerveau. L'enfant qui vit et grandit dans un milieu socio-économique et culturel très faible a aussi plus de risques de développer des difficultés comportementales permanentes. Son alimentation et ses habitudes de vie peuvent certainement contribuer à influencer négativement le développement de son cerveau.

 Il y aurait aussi plusieurs maladies durant l’enfance pouvant semble-t-il affecter le développement ultérieur du cerveau.

 L’enfant peut aussi être victime d'un accident cérébral qui pourrait affecter son fonctionnement cérébral et engendrer des difficultés comportementales.

À tout âge aussi, notre code génétique déjà programmé peut faire actualiser des faiblesses comportementales qui n'étaient pas apparentes durant les premières années de vie.

On voit donc que l'organisation neurologique qui commande l'ensemble de nos comportements peut être affectée de plusieurs façons et dans différentes périodes de notre vie.
 
 

LES STRATÉGIES D'INTERVENTION
 
Maintenant que nous savons mieuxce qu'est un trouble comportemental et d'où il provient, qu'est-ce qu'on fait avec ?

Comme il n'y a pas encore sur le marché de pièces de rechange du cerveau, il faut adapter nos interventions en fonction Justement da caractéristiques particulières de l’élève et de son style comportemental.

Ainsi, ce qui apparaît le plus important, c’est d'abord que l’élève puisse évoluer dans la " bonne école " dans la " bonne classe ". Il faut donc s'assurer que l'élève ait été orienté dans le milieu qui connaît ses besoins et qui a adapté ses services en fonction de ses difficultés.

La deuxième chose qui apparaît importante, c’est que l'élève puisse évoluer dans un groupe à effectif réduit. L’élève qui manifeste des troubles comportementaux aura beaucoup de difficultés à fonctionner dans un grand groupe. Il va se nuire à lui-même ainsi qu'aux autres. Bref, dans un grand groupe, c'est l'ensemble des membres qui sera affecté.

En troisième lieu, il faut que l'intervenant adapte ses actions de tous les jours en fonction des handicaps de ses élèves Par ses attitudes, gestes et paroles, il peut influencer positivement ou négativement la dynamique et le développement de ses élèves.

En quatrième lieu, il faut que l'élève puisse bénéficier de services complémentaires. L'élève qui manifeste des troubles comportementaux demande parfois à l'intervenant principal une somme d'énergie qu'il ne peut combler à lui seul.

En cinquième lieu, il faut que l'élève puisse bénéficier d'un plan d'intervention individualisé dans lequel il y a eu concertation multidisciplinaire des différents intervenants qui ont à côtoyer l'élève en question.

En sixième lieu, il semble que toutes les activités d'expression créatrice dans lesquelles l'élève a l’opportunité de s’exprimer globalement, favorisent un meilleur contrôle et une plus grande harmonisation sur le plan comportemental. Par activité d'expression créatrice, on pense ici aux différentes activités d'art telles que: expression orale, dramatique, corporelle, musicale, graphique et manuelle.

 On pense aussi à la mise en place de rencontres régulières avec l'élève pour lui permettre d'exprimer au fur et à mesure ce qu’il vit, ce qu'il ressent et ce qu'il en pense. On peut utiliser la technique du journal personnel ou de classe supervisée, des séances psychodynamiques dirigées, des périodes de relaxation, des mises en situation, des activités de résolution de problèmes, des jeux de rôles, des activités de développement socio-affectif ou de formation personnelle et sociale.

 En résumé, plusieurs stratégies éducatives peuvent être utilisées pour aider l'élève à mieux contrôler et mieux comprendre son comportement de tous les jours.
 

Dans la section suivante, nous allons traiter des attitudes et des moyens que peut utiliser un intervenant pour s 'aider dans sa démarche d'encadrement auprès des élèves qui ont des difficultés comportementales.

 


30 MOYENS, ATTITUDES ET CARACTÉRISTIQUES À CONNAÎTRE POUR FAIRE FACE AUX DIFFICULTÉS COMPORTEMENTALES DE VOS ÉLÈVES

 (basés sur l'expérience clinique avec la clientèle du centre) - Texte conçu et révisé en 1990-91-92)

1. Soyez patient, patient et encore patient.

2. Manifestez de la tolérance, de la compréhension et de l'empathie.

3. Restez calme, évitez de vous emporter, de vous exaspérer, de crier, de confronter, de menacer, d'injurier, d’humilier, de frapper, de pincer, de tirer, d'écraser ou de serrer.
 

4. Gardez à l'esprit qu'il est fort possible que votre élève ait un système nerveux qui le prédispose à un contrôle plus difficile de ses réactions émotives.

5. Attendez-vous à remarquer chez votre élève des réactions de frustration pour des choses anodines, de l’opposition à vos demandes, des comportements de bouffonnerie pour attirer l'attention, des réactions émotives instables et exagérées, de l'agressivité injustifiée envers les objets ou les autres.

6. Il est aussi fort possible que ses habiletés d'attention auditive et visuelle soient réduites. Sa capacité de mémorisation à court et long terme est probablement affectée ainsi que la plupart de ses habiletés cognitives nécessaires aux apprentissages scolaires.
 

7. Vous devez donc vous attendre à ce que votre élève éprouve de la difficulté à être attentif à vos paroles. De plus, il a probablement tendance à oublier rapidement ce que vous venez de lui rappeler. Il est donc fort possible que vous ayez à répéter plusieurs fois la même demande. Inutile de vous égosiller à en perdre la voix et la santé, répétez plutôt la consigne d’un ton calme. En agissant de la sorte, vous évitez de vous épuiser, d'énerver encore davantage votre élève et surtout d’ameuter le voisinage.

8. Votre élève a probablement tendance à s'exciter facilement. Sa surexcitation est contagieuse et le reste de la classe en est pénalisé. Il est donc très important que votre élève puisse évoluer le plus possible à l'intérieur d'une routine sécurisante pour diminuer son niveau d'anxiété et ses motifs de surexcitation.

9. Établissez une structure d'encadrement dans laquelle les horaires, les consignes, la directives et les règlements sont clairs, courts, constants et faciles à comprendre.

10. Une fois cette structure mise en place, soyez constant et cohérent. L'élève doit savoir à quoi s'attendre de votre part. Si vous changez d'idée aux deux minutes, votre élève deviendra plus anxieux, plus surexcité et plus perturbateur. Votre élève doit connaître vos attentes et les limites de ce que vous trouvez acceptable et non acceptable dans sa conduite.

11. Renforcez positivement les bons comportements. Votre élève recherche et a besoin de votre attention. Mieux vaut lui en donner lorsqu'il se comporte adéquatement que lorsqu'il est un vrai " petit diable ". En agissant ainsi, vous lui montrez qu'il a avantage à bien se conduire s 'il veut se mériter de l'attention de votre part.

12. Ignorez intentionnellement les petits écarts de conduite et ramenez plutôt votre élève à ce qu'il devrait faire, au lieu d'intervenir sur ce qu'il ne fait pas correctement.
 

13. Mettez en place un système de renforcement individuel pour encourager votre élève à faire des efforts pour bien se comporter.

14. Sous forme d'un petit tableau dans la classe ou dans son cahier, notez ou faites lui noter les bons comportements qu'il manifeste durant la journée.

15. Évitez d'insister sur ses erreurs, ses échecs ou ses écarts. Dites-vous qu’il le sait et qu'il n'a pas besoin de se le faire dire 10 fois, d'autres avant vous l'ont sûrement fait.
 

16. Dites-vous aussi que le problème de votre élève ne se règle pas en cinq minutes d'intervention, mais plutôt après un long entraînement de tout ce qui précède.
 

17. Gardez le sens de l’humour et dites à votre entourage de vous le rappeler lorsque vous l'oubliez.

18. Parlez aux autres de vos difficultés, c'est à force d’en parler que de nouvelles solutions risquent d'émerger.

 

19. Faites vous confiance vous êtes la personne la mieux placée pour trouver la bonne solution.

20. Ne vous fixez pas d’attentes ou d'objectifs trop élevés, les élèves " normaux " évoluent lentement, les nôtres très très lentement.

21. Pour certains, on peut utiliser un contrat verbal ou écrit dans lequel l'élève s'engage à attendre certains objectifs.

22. Au lieu d’essayer de régler un  problème de comportement au moment où tout le monde est tendu, y compris vous-même, attendez d’être plus détendu et faites un retour sur les événements avec l'élève concerné.

23. Changez la disposition de votre local. La modification physique des lieux peut à l’occasion modifier positivement la dynamique du groupe.

24. Changez la disposition des élèves. Changer les élèves de place peut aussi à l'occasion modifier positivement la dynamique du groupe.

25. Essayez dans la mesure du possible de rester physiquement à proximité de l'élève qui a tendance à avoir des difficultés d’ordre comportemental. Le seul fait de sentir l'intervenant proche peut suffire à le rassurer et à diminuer la fréquence de ses comportements difficiles.

26. Utilisez un moyen de communication avec les parents pour les informer du comportement de l’élève en classe. Précisez aux parents que vous le faites non pas pour qu’ils punissent leur enfant, mais simplement pour qu’ils soient informés et qu'ils puissent en parler avec lui.
 

27. Couchez-vous de bonne heure ! Évitez sur semaine les discothèques et la fermeture des bars (surtout pour ceux et celles qui ont plus de 30 ans !).
 

28. Lorsque l’élève est en crise non pas existentielle mais d'agressivité, qu'il brise tout sur son passage, qu’il agresse physiquement son voisin ou vous-même et n'est plus en état d'écouter quoi que ce soit, utilisez l’arrêt d’agir. Immobilisez l’élève en lui tenant les deux bras en vous plaçant derrière lui et en lui répondant le plus doucement possible de se calmer. Vous lui dites aussi que vous ne voulez pas lui faire de mal, mais seulement l’empêcher de tout casser. Essayez dans la mesure du possible de vous protéger de ses coups de pied ou de ses morsures, demandez à un élève d'aller chercher l'aide d'un autre intervenant.

29. Si l’élève est en crise d’agressivité et si vous n’êtes pas en mesure, pour toutes sortes de raisons, de l’immobiliser, et s’il est une source potentielle de danger pour les autres, faites évacuer la classe et demandez l’aide d'un autre intervenant.

30. Lorsque vous avez épuisé toutes vos ressources et les moyens cités précédemment, utilisez le retrait.

 

Afin de prévenir une crise d'agressivité, il est parfois préférable de faire de la prévention en retirant l’élève du groupe pour un certain temps.

 En procédant ainsi, vous permettez à l'élève de diminuer son niveau de tension et vous lui offrez la chance de se calmer Le retrait contribue également à diminuer le niveau de tension au sein de la classe et facilite, il va sans dire, la remise en place d'un climat propice au calme et aux apprentissages.

 Le retrait ne doit pas être perçu par l'élève comme une punition mais plutôt comme une occasion de relaxer et de revenir en forme dans la classe.

 Dès que l’élève dit qu'il est calme et qu'il veut retourner en classe pour travailler, et que d'après le jugement de l’accompagnateur, il est vraisemblable que cela soit exact, l'élève retourne dans la classe.

 


ÊTRE INTERVENANT AUPRÈS D'ÉLÈVES EN DIFFICULTÉS COMPORTEMENTALES

Le prototype classique de l'intervenant idéal, c'est celui qui est gentil, doux, juste, qui prend le temps d'écouter, qui a le contrôle et le respect de son groupe, qui sait intéresser ses élèves aux apprentissages et les fait progresser C'est aussi celui qui laisse une certaine liberté et qui fait confiance tout en encourageant ses élèves dans leurs apprentissages.

Celui qu’on ne voudrait pas avoir, c'est celui qui est bête et méchant, qui chicane souvent, qui punit injustement, qui crie inutilement, qui ne s’intéresse pas à ses élèves, qui ne fait pas confiance et qui est trop sévère.

Lorsque l’intervenant a un groupe d'élèves " sages comme des images ", il est facile d'imaginer qu'il doit être relativement simple d’adopter le prototype de l'intervenant idéal, mais lorsque ce dernier a un groupe composé en majorité d’élèves en difficultés comportementales, il est aussi tout à fait facile d'imaginer que le modèle de l'intervenant " bête et méchant " peut être tentant à l'occasion !

L’intervenant qui a des élèves présentant des difficultés comportementales est souvent confronté à des situations pour lesquelles il n'a pas de réponses claires et précises. Il doit faire face quotidiennement à des situations nouvelles et inattendues auxquelles il ne sait pas toujours comment réagir. Il peut facilement avoir l'impression d'être dépassé par les actions des élèves, et comme l'intervenant a un groupe en face de lui, il ne peut pas appuyer sur " Pause ", " Réfléchir " puis " Agir ", il doit réagir sur le champ et se servir souvent de son intuition.

L’élève en difficultés comportementales provoque aussi, en raison de son agir, des remises en questions fréquentes chez l’intervenant. Le manque d’équilibre comportemental de l'élève pousse l'intervenant à faire des efforts pour conserver le sien ! Plus le déséquilibre chez l'élève est grand, plus l'intervenant doit fournir des efforts pour trouver des solutions adaptées aux problèmes rencontrés. Ce type de situations est propice à l'accumulation d'un stress négatif qui, à la longue, peut provoquer un état d'épuisement professionnel.

On dit par ailleurs qu'une des principales motivations d'un intervenant, c'est de pouvoir constater les progrès de ses élèves. Comme le progrès est plutôt lent et difficile à constater à court terme qu'il y a même souvent régression, cela peut entraîner à l'occasion une démotivation et des sentiments de frustration chez I intervenant.

Le travail d'équipe et le climat institutionnel peuvent aussi être affectés négativement par la présence de troubles comportementaux trop fréquents ou intenses chez un élève. Il va de soi que, lorsque tout le monde est beau et gentil, il est facile de conserver l'harmonie et le bonheur au sein des membres de l'équipe. Mais lorsque les problèmes de l’élève dépassent une certaine limite, on en vient rapidement à se rendre compte que ce n'est pas facile d'avoir l’unanimité en ce qui concerne les moyens à prendre pour faire face à la musique.

Le parent trouve que l'enseignant est trop... , la psycho-éducatrice exige une suspension, le psychologue est d'avis que l’élève n'est pas assez... , le directeur ne peut continuer à tolérer que... , le médecin est introuvable ! Le travailleur social pense que le père... , la mère dit que la sœur... , le professeur d'éducation physique considère qu'il n'y a pas de problème avec lui, le professeur d'arts plastiques refuse de lui enseigner, l’orthophoniste suggère une autre ressource, la grand-mère veut un service d'appoint. Durant ce temps, l'élève continue à perturber le milieu, les intervenants jasent entre eux, chacun développe sa petite idée de ce qui devrait arriver. Certains disent qu'il ne se passe rien, d’autres au contraire ont l'impression qu'il y a dramatisation de la situation. Les uns commencent à trouver que c'est la faute de..., la tension augmente, le climat se dégrade, tout le monde pense à ses vacances !

Plus les troubles comportementaux de l'élève sont élevés et difficiles à contrôler, plus la probabilité de voir apparaître la divergence d'opinion et la tension au sein de l'équipe d'intervenants augmente.

Malgré tout, existe-t-il une façon idéale d'intervenir auprès des élèves qui ont des difficultés comportementales ? Existe-t-il une façon d'éviter tous ces pièges? Malheureusement pour ceux qui recherchent des recettes toutes préparées, il semble que ce soit à chaque intervenant de trouver ses propres solutions d’adaptation pour lui-même en fonction de sa personnalité. Certains sont plus à l'aise avec un style d'intervention, d’autres sont à l'aise avec une autre approche.

Il y a cependant quelques règles de base qui peuvent faciliter et contribuer à entretenir une certaine vitalité professionnelle de même qu'un climat d'équipe positif.

  1. Essayez d'appliquer un nouveau projet chaque année pour vous éviter de sombrer dans la routine.
  2. Essayez de créer et d’entretenir une relation de confiance mutuelle avec au moins un collègue. Quand ça va mal, c’est pratique d'avoir une oreille qui écoute et quand ça va bien, c'est un stimulant pour votre entourage.
  3. Évitez de vous fixer des objectifs trop élevés ou d'évaluer votre compétence en fonction du comportement de vos élèves.
  4. En dehors du travail, essayez de vous changer les idées avec des passions autres que celles reliées à la problématique des troubles comportementaux.
  5. Évitez de critiquer vos collègues.
  6. Essayez de vous construire des valeurs conformes à la problématique de la clientèle. Si vous êtes le genre pour qui répéter deux fois la même chose vous énerve, si vous ne pouvez pas supporter ceux qui ne comprennent pas vite, si pour vous " être efficace ", c'est faire avancer rapidement les élèves ou les dossiers qui vous préoccupent, il se peut que vous deveniez frustré !

Dans la section suivante, vous trouverez un test qu’il ne faut pas trop prendre au sérieux. Il a été conçu pour stimuler votre réflexion sur votre propre style d'intervention. Il vous aidera à répondre à la question suivante : Suis-je trop ou pas assez... ?
 

VOTRE STYLE D’INTERVENTION FACE AUX TROUBLES DE LA CONDUITE :  ÊTES-VOUS DE TYPE TRADITIONNEL OU DE TYPE LIBÉRAL ?  

Cochez la case qui représente le mieux votre style d’intervention pour chacun des moyens cités dans la liste ci-jointe. Répondez en fonction de ce que vous faites vraiment et non en fonction de ce que vous pensez qu’il faut faire.
Première colonne:         JAMAIS, je n'utilise ce moyen. 

Deuxième colonne:       A L'OCCASION, j’utilise ce moyen. 

Troisième colonne:       TRÈS SOUVENT, j'utilise ce moyen.

  Liste de moyens

JAMAIS

PARFOIS

SOUVENT

1

Encouragements verbaux (c’est beau, bravo, continue, c'est parfait, c’est bon, etc.)

0

1

2

2

Retenue durant une recréation ou à la fin des classes.

2

1

0

3

Ignorance intentionnelle des petits écarts de conduite.

0

1

2

4

Copie (écrire les règlements ou la règle enfreinte plusieurs fois).

2

1

0

5

Ramener l'élève à h tâche plutôt qu’intervenir sur le comportement indésirable.

0

1

2

6

Cesser une activité en cours et imposer le silence au groupe durant une certaine période de temps.

2

1

0

7

Donner un congé de devoirs

0

1

2

8

Face à une faute de l'élève, insister pour qu'il avoue ses torts.

2

1

0

9

Utiliser des jetons, collants, argent scolaire, certificats de bonne conduite, points gagnés, etc.

0

1

2

10

Confronter l'élève, jusqu'à ce qu'il obéisse pour bien lui montrer que c'est vous qui avez l’autorité.

2

1

0

11

Contacts physiques affectueux: coller l'élève, l'embrasser, main sur son épaule, sur sa tête, etc.

0

1

2

12

Réprimander l'élève devant les autres.

2

1

0

13

Utiliser le " sourire chaleureux " ou de compliments sur l'aspect ou les comportements de l'élève

0

1

2

14

Maintenir l'élève par le bras, pour s'assurer de son attention au moment où on lui parle.

2

1

0

15

Modifier une situation stressante ou déplaisante en changeant volontairement de sujet avec l'élève.

0

1

2

16

Priver d'une activité agréable ou confisquer un jeu.

2

1

0

17

Augmenter intentionnellement votre niveau de patience et de tolérance.

0

1

2

18

Lui parler de très près pour s'assurer de sa compréhension.

1

1

1

19

Augmenter intentionnelle votre niveau de sévérité pour un élève manipulateur qui semble vous tester.

2

1

0

20

Cesser votre activité et fixer l'élève d'un regard sévère sans dire un mot.

2

1

0

21

Utiliser l'humour pour désamorcer une situation de tension.

0

1

2

22

Isoler l'élève dans la classe

2

1

0

23

Isoler l'élève dans le corridor.

2

1

0

24

Isoler l’élève dans un autre local.

2

1

0

25

Utiliser l’arrêt d'agir, immobiliser l'élève physiquement lorsqu'il est en crise d’agressivité.

1

1

1

26

Terminer un travail non complété durant une récréation.

2

1

0

27

Renforcements alimentaires (bonbon, biscuit, chocolat, etc. ).

0

1

2

28

Hausser la voix avec un " air fâché ".

2

1

0

29

Suite à un événement désagréable, faire un retour avec l'élève concerné

2

1

0

30

Envoyer l'élève au bureau de la directrice adjointe.

2

1

0

31

Suite à un événement désagréable, faire un retour après coup avec l'ensemble des élèves

2

1

0

32

Envoyer l'élève consulter le psychologue.

0

1

2

33

Consulter soi-même le psychologue

0

1

2

34

Avertir l'élève que vous allez appeler ou écrire à ses parents.

2

1

0

35

Appeler ou écrire aux parents pour les informer de la conduite inappropriée de I élève.

2

1

0

36

Demander à h direction une suspension temporaire de l'école.

2

1

0

37

Encourager l'élève à exprimer ses émotions par le biais d'activités de développement socio-affectif

0

1

2

38

Exiger des excuses de l'élève pour son comportement déviant.

2

1

0

39

Utiliser des méthodes de relaxation pour favoriser la détente et le calme de vos élèves lors des activités.

0

1

2

40

Exiger que l'élève replace ou répare ce qu'il a déplacé ou brisé.

2

1

0

41

Encourager l'élève ù exprimer ses émotions et ses sentiments par rapport aux événements qui se passent en classe.

0

1

2

42

Utiliser des réunions de classe où on discute da problèmes rencontrés et des solutions pour y remédier.

1

1

1

43

Donner da responsabilités et des tâches à accomplir aux élèves.

0

1

2

44

Établissement d'un code de vie ou d'une liste de règlements à respecter.

1

1

1

45

Utiliser un contrat écrit dans lequel l'élève s’engage à atteindre certains objectifs.

0

1

2

46

Modifier la disposition du local.

1

1

1

47

Changer la disposition des élèves pour modifier la dynamique du groupe

0

1

2

48

Rester à proximité de l’élève qui a de la difficulté à demeurer calme.

1

1

1

49

Utiliser la pression du groupe (Ex.: Si tu ne t'assois pas, personne ne va aller à la recréation) 

2

1

0

50

Se centrer sur les forces de l'élève au lieu d’intervenir sur ses faiblesses.

0

1

2

 

INTERPRÉTATION DES RÉSULTATS DU QUESTIONNAIRE D’ÉVALUATION DE VOTRE STYLE D’INTERVENTION

Pour connaître votre style d’intervention vous n'avez qu'à additionner les résultats obtenus pour l'ensemble des 50 moyens mentionnes précédemment. Ensuite, vous n’avez qu'à vous situer dans l'une des cinq catégories suivantes:
 

 Style numéro 1: de 0 à 20

RIGIDE, non permissif de style autoritaire. Les élèves ont intérêt à se tenir les fesses serrées et les oreilles molles. L’élève récalcitrant à intérêt à prendre son trou. La devise de l'intervenant pourrait être: "Ça plie ou ça casse ! "
 

 Style numéro 2: de 21 à 40

PLUTÔT TRADITIONNEL, avec une légère tendance libérale. Pour vous, c'est important d'assurer un encadrement bien défini, mais vous laissez un peu de place aux initiatives des élèves.
 

 Style numéro 3 : de 41 à 60

ÉQUILIBRÉ, vous avez la sagesse de conjuguer traditions sécurisantes et libertés épanouissantes. Les libertés de vos élèves ne vous font pas paniquer, mais vous savez aussi qu'ils ont besoin d'évoluer à l'intérieur d'un cadre bien défini tout en sachant qu'il y a des limites à respecter.
 

 Style numéro 4 : de 61 à 80

PLUTÔT LIBÉRAL, avec une tendance à la tradition. Si ce n'était que de vous, il n'y en aurait pas de discipline mais la réalité vous montre bien qu'il faut en faire malheureusement


Style numéro 5 : de 81 à 100

" BONASSE " ! Vous êtes trop gentil, trop permissif et trop bon ! Dans votre classe, ça risque d'être le " party " continuel ou l’enfer perpétuel et ce, à vos dépens. Votre seule chance, c'est que vos élèves soient tous des adeptes de l’autodiscipline. Votre probabilité d'être mangé tout rond est assez forte. Bonne année scolaire !
 
 

 CONCLUSION  A la fin de la section intitulée: "Quand la situation se corse", il était proposé cinq façons de réagir ou d'intervenir face à une situation difficile. J'ignore pour quelle solution vous avez opté, mais moi, je choisirais la quatrième. Pourquoi? Tout simplement parce qu'elle me convient en fonction de ma personnalité et de mes valeurs actuelles.

 Il y a plusieurs années, j'aurais probablement choisi la solution numéro 1 ou 2 pour imposer mon autorité. Je me serais dit qu’après tout, dans une école, les élèves sont là justement pour apprendre à respecter les règles en vigueur. J’aurais mis d'autant plus de fermeté que je me serais dit que c'est là justement la source de leur problème.

Dans mes périodes dépressives, j'aurais pu facilement opter pour la solution numéro 3. Après tout, qui n'a jamais songé à remettre en question son orientation dans l'éducation spécialisée ! Peut-être qu'un jour, j'opterai pour la solution numéro 5, personne n'est à l'abri du trouble comportemental !

Il n'est pas facile d'évaluer le trouble comportemental et il est encore plus difficile de déterminer ce qu'on doit faire pour y remédier. Autant l'évaluation du trouble comportemental dépend de l'évaluateur et du milieu dans lequel évolue l'élève, autant l'intervention dépend de la personnalité de l'intervenant et de la philosophie institutionnelle véhiculée. Il n'y a pas, d'un côté, ceux qui n'ont pas de trouble comportemental et de l'autre, ceux qui en ont. Nous sommes tous et à des degrés divers, troublés ! La seule différence qu'il y a entre vous, un élève en difficulté comportementale et moi, c'est la fréquence, l’intensité, la gravite et la durée du trouble

Nous sommes tous au cours de notre vie plus ou moins affectés par les troubles comportementaux. La plupart d’entre nous réussiront à contrôler leurs fragilités et leurs prédispositions. Certains d'entre nous éprouveront quelques difficultés temporaires et situationnelles.

D'autres par contre, et c'est le cas des élèves en milieu scolaire spécialisé, éprouveront des difficultés à contrôler leurs troubles comportementaux dès leur jeune âge et ils auront à vivre toute leur vie scolaire avec des handicaps suffisamment importants pour nécessiter un encadrement spécialisé à l'intérieur d'un groupe à effectif réduit avec des services complémentaires.

fleche3.gif (5057 octets) Retour au sommaire